(Les enfants du paradis - une histoire inspirée du mime Deburau)

C'est en regardant à nouveau "les enfants du paradis", que la beauté des gestes souples, sobres et élégants du mime, prolongés par le vêtement fluide et ample aux mille plis, m'a frappée comme étant l'essence même du Qigong.

Une fascinante façon de raconter une histoire sans paroles avec son corps, en utilisant une gestuelle expressive jusqu'au bout des doigts et la ressentir profondément, en être entièrement habité pour la faire émerger de soi comme une évidence et que cette histoire semble palpable au spectateur et se propage à travers le silence, comme porté par lui.

Ponctuer l'histoire non pas du silence des mots mais du silence du corps comme en suspension pour laisser diffuser un instant l'effet du geste avant de rebondir sur la suite.

À bien y regarder, ce qui anime le geste est ce supplément d'âme, ce souffle du mime, son énergie vitale qui trouve là une voie d'expression privilégiée.

Cet art du mime est bien un art énergétique.

Chaque histoire sans paroles véhiculée par l'énergie à travers le corps donne enfin la parole au corps.

C'est ainsi que les enchaînements de Qigong ont une histoire à nous raconter une histoire qui passe par le corps qu'il est facile d'imaginer quand il s'agit de se mettre dans la peau d'animaux comme dans le jeu des 5 animaux mais qui parfois cache un message plus subtil à découvrir par soi-même.

Les mouvements eux-mêmes sont porteurs de messages et de noms évocateurs pour nous faire vivre ces histoires par l'incarnation et la visualisation en touchant la matière comme l'imaginaire.

Le tout premier mouvement de Qigong que j'ai rencontré m'a fait cet effet là.

Quelle surprise que d'aller "cueillir les étoiles" avec son corps tout en ressentant une forme d'énergie circuler et suivre le chemin emprunté par le geste et des fourmillements au bout des doigts ! C'est parce qu'on se laisse emporter par le jeu de visualisation d'étoiles imaginaires, parce qu'on se raconte des histoires avec le corps, que l'énergie est ainsi mobilisée. L'histoire même sans paroles donne du sens au geste. L'énergie y puise sa source tout au long du mouvement.

À bien y regarder encore, le corps du mime possède la même souplesse des articulations que par la pratique approfondie du Qigong. Son seul moyen d'expression en dehors du visage et du regard, passe en réalité par ses articulations. Ce sont elles qui traduisent l'histoire dans le geste.

Mimer par le corps c'est articuler l'histoire autour de ses articulations !

De même en dessin on s'aide souvent d'un pantin de bois articulé pour prévoir et traduire les mouvements. Nos articulations nous n'y pensons pas souvent quand il n'y a pas de douleurs, et pourtant... Tout part de là !

S'émerveiller encore de tous ces degrés de liberté du corps qui font sa liberté d'expression et les explorer à nouveau tout en douceur.

Partir des épaules, fermer les yeux pour sentir la "mécanique" huilée tourner dans l'articulation dans tous les mouvements où l'on roule les épaules.

Puis chercher à relâcher les épaules pour déclencher le mouvement en visant la détente elle-même plutôt que vouloir baisser directement les épaules. C'est alors l'intention, l'envie réelle de se détendre qui amorce le geste et la respiration suit tout naturellement.

C'est sur ce même principe que l'on assouplit nos cervicales par l'intention de douceur que l'on se porte sans forcer le mouvement. La visualisation a bien plus d'importance dans cette pratique que l'amplitude réelle du mouvement. C'est ainsi que l'on se "parle" et traite avec douceur en envoyant cette énergie de soin aux endroits choisis du corps.

La douceur est une énergie très efficace

et c'est bien ce message que porte le corps, les gestes fluides et les histoires sans paroles du mime et du Qigong.

C'est aussi toute l'histoire que nous raconte le corps assoupli par la pratique d'un art énergétique et qui nous inspire l'envie de suivre ce chemin, en prenant le temps, le temps de toute une vie.

Donner la parole au corps

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