Méditation des bulles de savon

Bulles d'émerveillement, bulles éphémères  

Que l'on soit enfant ou adulte, il y a quelque chose d'envoutant à prendre une longue expiration, les lèvres en forme de "o", en soufflant dans un petit anneau imbibé de liquide et en admirant un collier de bulles jaillir. Les bulles sont une invitation à embrasser un petit moment d'émerveillement. L'iridescence colorée suffit à elle seule à faire tourner les têtes. Pendant quelques secondes, l'attention s'attarde sur une sphère arc-en-ciel emportée par le vent et qui, comme prévu, finit par éclater.

Source de fascination, ces sphères illusoires ont inspiré l'art et les messages philosophiques sur la futilité des richesses matérielles et la brièveté de la vie, dans les peintures de vanité. La volatilité des bulles, dont la durée de vie est courte et la direction incertaine, était assimilée à la fragilité de l'existence humaine. Homo bulla (l'homme est une bulle éphémère) en latin, était souvent ajouté dans ces vanités pour souligner cette fragilité.

Aujourd'hui cette métaphore semble fantaisiste et pourtant elle peut être un support idéal pour méditer sur l'impermanence qui est au coeur même de la vie, comme le propose Xavier Rinpoche.

Une fois que l'esprit à été à la fois assoupli et rendu très vif et alerte par les premiers temps de la pratique méditative, il est ainsi préparé à voir la réalité telle qu'elle est et notamment à y détecter l'impermanence de la vie.

Ainsi écrit-il : "l'impermanence n'est pas triste, elle peut même être gaie. 

Imaginez-vous comme un enfant qui fait des bulles de savon.

Imaginez que vos respirations sont comme des bulles éphémères qui éclatent une à une. L'air sort, puis s'élève et se dissout dans l'espace devant vous. Chaque inspiration, chaque expiration naît d'on ne sait où puis disparaît. De même, soyez sensible au rythme de votre respiration et voyez comme il est changeant. Rythme long ou court, saccadé ou régulier, on peut être présent à toutes les modulations changeantes de la respiration et voir comme rien ne s'installe durablement.

Si maintenant la joie apparaît dans votre expérience, regardez-la comme une bulle de savon. Voyez comme elle naît, comme elle grandit, puis finit par diminuer et disparaître.

Même lorsque pour un moment vous vous sentez rassemblé et que votre esprit est unifié cela ne dure pas et vous vous retrouvez bientôt éparpillé dans des pensées. Même si votre esprit tout à coup devient comme un oiseau volant librement dans un ciel pur et clair, cela bientôt s'estompe. Les expériences les plus sublimes de l'esprit sont elles aussi comme des bulles de savon. Nous voudrions pouvoir les saisir, mais dès que nous les touchons elles éclatent. Nous souffrons de voir que tout passe et s'efface mais la réalité est ainsi. Les phénomènes de la vie sont comme des bulles insaisissables."

L'avantage est justement que tout passe. Il est ainsi un proverbe en chinois qui malicieusement nous dit : "Si tout va bien, profites-en car cela ne dure pas et si tout va mal profites-en aussi car ça ne va pas durer !"

Lorsque nous pratiquons la méditation nous faisons la même expérience qu'avec les bulles de savon. Cela nous contrarie de voir à quel point nous vient à l'esprit une succession de pensées discontinues et sans consistance. Mais justement cela devient assez réconfortant de ne pas avoir à en culpabiliser et d'y voir à l'inverse la réalité des phénomènes qui sont par nature changeants.

Reconnaitre tout cela c'est aussi réaliser que nous n'avons pas non plus d'identité fixe pour la vie, car tout ce qui pourrait nous caractériser, nous délimiter ou nous enfermer dans une case est temporaire également. Tous nos préjugés, nos illusions et ces étiquettes qui nous collent à la peau peuvent disparaître en fumée.

Ils se dissolvent dans l'inspire et l'expire de la pratique méditative.

Tout ce qui était source d'insatisfaction, les expériences désagréables que nous fuyions, les expériences agréables que nous cherchions à retenir en vain, tout cela cesse. Lâcher prise, ne plus s'accrocher ni crisper est un vrai soulagement. Nous pouvons alors contempler cet abandon.

Nous pouvons voir tout ce que nous avons laissé derrière nous, tout ce à quoi nous étions encore attachés et que nous avons su abandonner. 

C'est comme si nous nous rendions compte que toute notre vie nous n'avions cessé de ramasser ici ou là des choses pesantes et encombrantes, nos soit-disant possessions, tout ce qui constitue notre moi, et que nous avons ensuite trimballé avec nous partout où nous allions.

Tout cela était bien lourd à porter, source d'insatisfaction et de souffrance. Mais nous pouvons ne plus porter ce fardeau à chaque moment de la vie.

Aujourd'hui après avoir cessé d'amasser encore et encore, après avoir dissout l'attachement à toutes ces choses inutiles, nous pouvons nous sentir plus légers... comme des bulles de savon !

Ainsi, tandis que nous inspirons et que nous expirons, nous pouvons goûter le soulagement et le sentiment d´émancipation par rapport à tout ce qui nous retenait prisonnier.

Méditer c'est ainsi porter attention au corps, au souffle,

aux sensations, à l'esprit et aux phénomènes de la vie.

Méditer c'est respirer.

C'est être à l'unisson du corps, 

sentir l'énergie, la joie et le bien-être.

C'est aussi développer une forme de savoir lié à notre expérience,

savoir ce qui se passe, savoir ce qui nous arrive, 

voir les forces d'attachement qui nous entravent 

et découvrir une vraie liberté !